Face à la montée de l’emploi précaire, le droit du travail est mis au défi de protéger efficacement les travailleurs les plus vulnérables. Entre flexibilité et sécurité, quelles sont les réponses juridiques apportées pour garantir le droit fondamental au travail ?
I. L’évolution du droit au travail face à la précarisation de l’emploi
Le droit au travail, consacré par le Préambule de la Constitution de 1946, est aujourd’hui confronté à de nouveaux défis. La précarisation croissante de l’emploi remet en question son effectivité pour de nombreux travailleurs. Les contrats courts, l’intérim, le temps partiel subi ou encore les nouvelles formes d’emploi liées à l’économie des plateformes fragilisent la situation de millions de personnes.
Face à ces mutations, le législateur a dû faire évoluer le cadre juridique. La loi El Khomri de 2016 et les ordonnances Macron de 2017 ont ainsi tenté d’apporter plus de flexibilité tout en maintenant un certain niveau de protection. Néanmoins, ces réformes ont fait l’objet de vives critiques, accusées de favoriser la précarité au détriment de la sécurité de l’emploi.
II. Les dispositifs juridiques de protection des travailleurs précaires
Pour tenter de sécuriser les parcours professionnels, plusieurs mécanismes ont été mis en place. Le Compte Personnel d’Activité (CPA) vise ainsi à attacher des droits à la personne plutôt qu’au statut. Il regroupe le Compte Personnel de Formation (CPF), le Compte Professionnel de Prévention (C2P) et le Compte d’Engagement Citoyen (CEC).
En matière de contrats courts, une prime de précarité de 10% est versée au salarié en CDD à la fin de son contrat. Pour l’intérim, l’indemnité de fin de mission joue un rôle similaire. Ces dispositifs visent à compenser financièrement l’instabilité de l’emploi.
Concernant le temps partiel, la loi a instauré une durée minimale hebdomadaire de 24 heures, sauf dérogations. Elle impose aussi des majorations salariales pour les heures complémentaires effectuées au-delà de la durée prévue au contrat.
III. Les enjeux spécifiques liés aux nouvelles formes d’emploi
L’essor de l’économie collaborative et des plateformes numériques a fait émerger de nouvelles catégories de travailleurs précaires. Les chauffeurs VTC, livreurs à vélo ou micro-entrepreneurs se trouvent souvent dans un flou juridique entre salariat et travail indépendant.
La Cour de cassation a apporté des clarifications importantes, notamment dans l’arrêt Take Eat Easy de 2018, en requalifiant la relation entre un livreur et une plateforme en contrat de travail. La loi d’orientation des mobilités de 2019 a ensuite tenté d’instaurer un cadre spécifique pour les travailleurs des plateformes, avec la mise en place de chartes facultatives.
Néanmoins, ces avancées restent timides et ne répondent que partiellement aux enjeux. La question du statut de ces travailleurs et de leur protection sociale demeure un chantier majeur pour le droit du travail.
IV. Les perspectives d’évolution pour renforcer la protection des travailleurs précaires
Plusieurs pistes sont envisagées pour améliorer la situation des travailleurs précaires. L’idée d’un « statut de l’actif », défendue par certains experts, viserait à garantir une continuité des droits sociaux indépendamment des changements de statut professionnel.
Le renforcement de la lutte contre les abus est une autre priorité. Cela passe par un meilleur encadrement du recours aux contrats courts, avec par exemple la mise en place d’un bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage pour les entreprises qui en abusent.
Enfin, l’amélioration de la formation professionnelle et de l’accompagnement des travailleurs précaires est cruciale pour favoriser leur insertion durable sur le marché du travail. Le développement de parcours sécurisés et de passerelles entre différents types d’emploi pourrait contribuer à réduire la précarité.
Le droit au travail et la protection des travailleurs précaires constituent un défi majeur pour notre société. Si des avancées ont été réalisées, de nombreux chantiers restent ouverts pour adapter le droit du travail aux mutations de l’emploi tout en garantissant une protection effective à tous les travailleurs, quel que soit leur statut.